L'ombre d'un homme
Il est des jours où le passé ravive une flamme dont on avait
oublié la chaleur. Des mots et des souvenirs qui nous rappellent d’où on vient,
où sont nos racines. J’avais dit ailleurs que le temps calme, il a aussi un
défaut : il efface. Les jours, les mois, les années … Et au bout l’oublie.
Autant que mon prénom, celui de mon père résonne d’une façon que seul moi
n’arrive plus à comprendre.
Trop peu de temps j’ai eu avant mes 8 ans pour connaître mon
père. Des souvenirs d’un enfant donc, c’est tout ce qu’il me reste … Trop peu. Les
souvenirs sont encore plus pesants quand tout reviens rapidement, de façon
décousue, et de façon touchante. Aurais je connu mon père à ce point, sous ce
jour, si le temps n’avait pas manqué ? Je le savais engagé, militant,
passionné. Mais les mots finissent par ne plus résonner.
Plusieurs fois récemment j’ai eu l’occasion d’entendre
parler de lui, avec une façon qui semblait me dire : t’es l’héritier. Pas
celui d’une fortune, ni même d’un rôle ou d’un poste, mais héritier de la foi
d’un homme en ses convictions. Mon père n’est pas parti dans l’anonymat le plus
complet, il a laissé son empreinte, et quand je tente d’en mesurer l’ampleur,
j’ai parfois la sensation d’être loin de ça. Ni indigne ni honteux, mais loin
de sa capacité à faire, à bâtir sur un idéal, sur une espérance.
Ces derniers jours le manque de ne pas avoir suffisamment vécu à ses côtés s’est bien plus fait sentir. Son ombre pèse souvent, et ses derniers mois me rendent honteux, indigne. Un gros coup de blues, avec l’envie de mettre un peu tout ça à plat, avec les mêmes musiques tristes dans les oreilles, à 3h du mat’ passé …